Nouvelles perspectives littéraires

présidence de séance: 
Michel Pierssens
jeudi 30 avril
communications: 

De l’usage de l’aléatoire dans la littérature électronique

La notion d’aléatoire est une notion aussi ancienne que la littérature elle-même, mais son introduction dans les arts contemporains accompagne sa redécouverte dans la science moderne. Si Einstein pouvait encore soutenir que « Dieu ne joue pas aux dés », les découvertes de la physique quantique, des fractales, de la complexité et du chaos ont bouleversé notre vision du monde et ont très tôt interpellé les artistes.Dès les années cinquante, l'aléatoire fait son apparition en musique (Cage, Boulez) et dans les arts plastiques (Calder, Vasarely).Dans le domaine littéraire, la nature même du langage, par sa fonction référentielle, rend l’introduction de l’aléatoire plus problématique que dans les arts abstraits.Cependant, depuis Mallarmé (le coup de dés) et Valéry il est au centre des réflexions sur la création poétique. Voisine de l'aléatoire, la notion de hasard, qui met l’accent sur le caractère fortuit des rencontres, la surprise, le surgissement de l’inconscient, la création d’images neuves, est au cœur de la démarche surréaliste (le hasard objectif, les jeux). Par opposition aux surréalistes, l’Oulipo se définit comme un groupe « anti-hasard », mais pratique l'aléatoire. Dans certaines de ses productions, comme les Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau ou dans la Vie mode d’emploi de Georges Perec, l’aléatoire se présente sous la forme d’un « aléatoire mécanique ». Georges Perec évoquait à ce sujet l’idée d’une « programmation du hasard ».
Le recours à l’aléatoire en littérature est la marque des époques troublées, instables, incertaines d’elles-mêmes. Souvent associé aux arts baroques, l’aléatoire est ignoré ou rejeté dans les périodes classiques. Un des usages les plus anciens l’associe à l’idée de prédiction de la destinée. Le Yi King ou Livre des mutations, en est un bon exemple comme, plus près de nous, Composition n°1 de Marc Saporta. Un deuxième usage relève d’une fascination pour les nombres, comme chez les poètes baroques allemands. Le recours à l’aléatoire peut également manifester une forme de révolte radicale contre l’ordre de la langue comme chez Tristan Tzara ou Williams Burrough.
La littérature électronique fait un usage massif de la fonction random, présente dans presque tous les langages informatiques. Il n'y a pas de création littéraire par ordinateur qui ne fasse appel à l'aléatoire, seul capable de générer à l'infini les variations du texte et de simuler la créativité.
Genre littéraire d’origine américaine, l’hypertexte de fiction, quant à lui, doit plutôt être rangé sous le paradigme du hasard. Le lecteur y est invité à parcourir de façon non linéaire des fragments textuels en choisissant selon son humeur les liens activables qui lui sont proposés par l’auteur.
D’une façon générale, on peut dire que l’usage de l’aléatoire dans la littérature électronique s'inscrit dans une tradition littéraire en même temps qu'il exprime, à travers de nouveaux dispositifs de lecture /écriture, quelques-unes des questions qui traversent la pensée contemporaine.

Présentateur: 
heure: 
09h45

Digital born lit-killer : la littérature électronique à l'interface du texte et du Livre

N. Katherine Hayles clôt son récent Electronic Literature. New Horizons for the Literary (2008) par cet énoncé prospectif : « More than a mode of material production (although it is that), digitality has become the textual condition of twenty-first-century literature. » Établissant ce caractère numérique (ce « digital born ») comme critère de balisage de son corpus d'étude, Hayles joue de prudence, reconnaissant elle-même l'ambiguïté du discours sur le littéraire à l'ère du virtuel en le voyant précisément comme une « trading zone » de discours, d'expertises et d'attentes. Je pousserai cette réflexion plus avant en interrogeant d'une part la tension entre les sphères de la littérature (conventionnellement entendue) et de la littérature hypermédiatique, d'autre part l'effacement de la frontière entre le littéraire et le narratif. C'est donc à l'interface textuelle que je m'intéresserai, enjeu central qui dépasse (et réduit) le fondamental caractère numérique des oeuvres, pour envisager les enjeux liés à cette échappée hors de la norme livresque.

Présentateur: 
heure: 
10h15

Vers une « nouvelle » littérature québécoise : la critique littéraire sur le Web

La critique, on le sait, joue un rôle de premier plan dans le processus de canonisation des œuvres littéraires. Une œuvre qui n’aura pas été remarquée par ce pôle fondamental de l’Institution possède peu de chances de durer, d’appartenir à la liste des classiques qui survivent au passage du temps. Or, au cours des dernières années, cette critique, dont la voix se faisait principalement entendre dans les journaux, dans les revues populaires et dans les revues savantes, a trouvé une autre façon de se manifester, celle-là, pourrait-on dire, beaucoup plus ponctuelle – et surtout, moins « organisée » : l’Internet.
S’il se révèle fondamental de s’interroger sur les processus de légitimation qui régissent les œuvres hypermédiatiques, on doit également accorder une attention particulière au phénomène croissant de ce qu’on pourrait appeler la critique de nature improvisée, celle qu’on retrouve principalement dans les sites personnels. En effet, alors que les interventions dans les journaux et les revues passent par un filtre éditorial, les commentaires sur les œuvres littéraires disséminés sur les sites personnels – dans les blogues, par exemple – ne sont pas tenus de répondre à quelque exigence de contenu que ce soit.
Le Web, nouvel espace d’écriture et de lecture, nous oblige ainsi à réexaminer la question de la réception des œuvres. Le cas qui nous intéressera dans le cadre de cette communication est celui de la littérature québécoise. Il s’agira, dans un premier temps, de répertorier les différents types d’interventions critiques portant sur des faits littéraires québécois (les œuvres et, de façon plus générale, l’histoire littéraire) présentes sur la toile et, dans un deuxième temps, d’analyser les conséquences de ces différentes interventions critiques : d’une part, sur le plan littéraire, à savoir dans quelle mesure et de quelle façon ces interventions participent au processus de légitimation des œuvres; d’autre part, sur le plan social, au sens où cette mise en réseau de la critique sur la littérature québécoise est susceptible de faire émerger une image particulière de notre société et de notre époque, différente de celle qui est proposée par la critique traditionnelle.

Présentateur: 
heure: 
10h45

Pause

heure: 
11h15