Publics à l'oeuvre : arts et médias praticables

Internet place l’oeuvre d’art au coeur d’une négociation entre artistes, informaticiens, dispositifs techniques et publics enrôlés. En amont, le travail créatif associe différentes opérations intellectuelles d’écriture conceptuelle, algorithmique et scénaristique, d’où il résulte une gamme élargie d’externalités : les couches de programmes, les scripts d’emplois, les interfaces utilisateurs, les images à acter dont les statuts et usages sont redéfinis. En aval, la mise en oeuvre d’art n’existe qu’à travers l’articulation sociotechnique de différents fragments, prises et actions collectives, situées et instrumentées. Par la mise en scène de médias praticables, le Net art déploie en effet des cadres de sociabilités et d’actions renouvelés. Une expérience doublement perceptive et manipulatoire des oeuvres s’y trouve par conséquent engagée et implique, pour les médias et l’image, la nécessité d’un équivalent de ce qu’est en musique l’interprétation : entendue au sens de « pratique ». En s’étendant aux oeuvres d’art numériques le modèle performatif mis au point par la musique redéfini l’acte de réception.

L’interactivité et la jouabilité y composent deux nouveaux régimes sociotechniques d’interprétation des oeuvres, qui se doublent d’un renforcement de l’activité d’écriture (du concept, du scénario) et qui génèrent un allongement des consignes et modes d’emploi préalables ainsi qu’une une multitude de traces interprétatives. D’une part, l’attention du public ne se borne plus au seul objet présumé de la visite (l’oeuvre), mais doit également porter sur les conditions techniques de sa réception. D’autre part, l’expérience des médias y est moins strictement distribuée entre une émission et une réception conçues comme deux événements successifs d’un message fixe et immuable. Là où l’oeuvre matérialise désormais un univers des possibles, l’expérimentation reprend le dessus sur la logique traditionnellement rigide de la transmission des contenus informationnels.

En questionnant les théories de la réception, au croisement de l'anthropologie des techniques, de la sociologie de l'art et des sciences de la communication, ma conférence mettra au jour ces inter-activités médiatiques et leurs incidences sur la désignation et circulation d'une oeuvre d’art qui se développe selon des cours d'action et des économies spécifiques. C’est la perspective, sociologique et communicationnelle, que je poursuis aujourd'hui dans le cadre d’un contrat de l’Agence Nationale de Recherche (ANR) intitulé «PRATICABLES - Dispositifs artistiques : les mises en œuvre du spectateur» (DALMES, 2009-2011).

 Les modalités de l’implication et les pratiques du public seront approchées de différentes manières : par l’observation, en amont de la participation, de stratégies artistiques de captation et de fidélisation du public (contrats de réception et aménagement de prises sur l’oeuvre) ; par l’examen des conditions potentielles de la participation du visiteur mises en scène dans des dispositifs informatiques (figures de l’interactivité) ; par l’étude de la participation effective, des interactions et de l’implication sociale du public (modes d’interaction entre l’artiste, l’oeuvre et son public).

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09h45